
Fraude bancaire et refus de remboursement de la banque
Fraude bancaire et refus de remboursement de la banque : analyse de la jurisprudence récente
Face à l’explosion des fraudes bancaires et des escroqueries en ligne, de nombreux clients se heurtent désormais au refus des banques de les rembourser. Cette situation soulève d’importants débats juridiques sur la responsabilité des établissements bancaires et la protection des consommateurs. La récente jurisprudence de la Cour de cassation et notamment de sa chambre commerciale apporte des éclairages essentiels sur cette actualité brûlante.
L’analyse du paiement du client doit se faire en trois temps.
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1. Le client a-t-il consenti au paiement ?
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L’article L.133-3 du Code monétaire et financier énonce « une opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire »
L’article L.133-6 du Code monétaire et financier dispose « une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution ».
Le consentement donné à une opération de paiement s’apprécie selon deux critères :
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1° Le consentement est conforme aux modalités contractuelles prévues entre la banque et le client. La Cour de cassation a pu juger que le consentement au paiement pouvait se donner oralement à condition que cette pratique soit prévue par la convention de compte et que la preuve de ce consentement soit établie par des éléments ultérieurs (Cass. Com., 2 mai 2024, n° 22-17.233, Publié au bulletin).
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2° Le payeur doit avoir consenti au montant et au bénéficiaire de l’opération. Ainsi, un ordre de virement dont l’IBAN a été modifié par un tiers à l’insu du client n’est pas considéré comme une opération autorisée (Cass. Com., 1er juin 2023, n°21-19.289 et 21-21.831, Publié au bulletin).
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2. Quelles sont les obligations de la banque en cas d’opération non autorisée ou mal exécutée ?
Si le paiement n’a pas été autorisé, un régime de responsabilité spécifique issue des directives européennes DSP 1 et DSP 2 est exclusivement applicable.
Ce régime prime sur toute autre règle de droit national et notamment de la responsabilité contractuelle (Cass. Com., 27 mars 2024, 22-21.200, Publié au bulletin). Il n’est pas possible d’alléguer le manquement de la banque à son obligation de détection et de vigilance (Cass. Com., 15 janvier 2025, n°23-15.437, Publié au bulletin).
L’utilisateur est tenu par le code monétaire et financier de signaler l’opération non autorisée à sa banque dans un délai stricte de 13 mois.
La banque doit alors rembourser immédiatement son client (Article L.133-18 Code monétaire et financier).
Si le client a signalé l’opération dans le délai de 13 mois, il perd son droit à remboursement s’il a tardé à agir de manière intentionnelle ou par négligence grave.
Il appartient à la banque d’apporter la preuve que l’opération a été authentifiée par son client (Cass. Com., 30 avril 2025, n°24-10.149, Publié au bulletin).
La Cour de cassation a récemment fait évoluer sa jurisprudence s’agissant de la faute grave du client de la banque afin de faire face à l’augmentation des escroquerie bancaires en ligne.
Dans une affaire de spoofing, la Cour a jugé que le titulaire du compte ne pouvait être tenu pour responsable d’une négligence grave. Il avait été contacté par téléphone par une personne se faisant passer pour un employé de sa banque et lui demandant de communiquer ses numéros confidentiels, dans le cadre d’une tentative de fraude. (Cass. Com., 23 octobre 2024, n°23-16.267, Publié au bulletin).
Une société n’est pas considérée comme ayant commis de négligence grave lorsque sa salariée effectue des opérations sur le service de paiement en ligne à la demande d’une personne qui, par téléphone, se fait passer pour un technicien de la banque en usurpant son numéro et fournit de fausses informations pour faire croire à une panne informatique. (Cass. Com., 12 juin 2025, n°24-13.777, Publié au bulletin).
En revanche, commet une négligence grave, l’utilisateur qui remet à un tiers sa carte bancaire et son code de confidentialité quelques jours après avoir fait sa connaissance sur internet (Cass. Com., 12 juin 2024, n° 22-21.981).
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3. La banque a-t-elle des obligations lors que l’opération de paiement a été autorisée ?
Lorsque le client a autorisé un paiement, notamment en raison d’une escroquerie, la jurisprudence actuelle retient un devoir de vigilance de la banque.
Ce devoir a toutefois une portée limitée en raison de l’interdiction faite aux banques de s’immiscer dans les affaires de leurs clients.
La banque doit s’assurer que l’ordre de paiement ne présente pas d’anomalie apparente, formelle ou intellectuelle (Cass.Com., 14 février 2024, n° 22-11.654, Publié au bulletin).
Toutefois, ce devoir ne s’étend pas à des vérifications approfondies sauf si l’ordre de virement est manifestement irrégulier ou inhabituel dans les pratiques commerciales du client. Par exemple, si le montant des virements reste dans les plafonds convenus et que la destinations des fonds ne soulève pas de remarques particulières, la banque n’a pas commis de faute (Cass. Com., 12 juin 2025, n° 24-10.168, Publié au bulletin).
En revanche, dans une fraude au président (escroquerie où un fraudeur se fait passer pour le dirigeant d’une entreprise pour inciter un salarié à effectuer un virement bancaire frauduleux), si des anomalies apparentes affectent les ordres de virement et que les circonstances inhabituelles les entourent, la banque doit en vertu de son devoir de vigilance, doit vérifier les ordres auprès de la personne contractuellement habilitée à les valider (Cass. Com., 2 octobre 2024, n° 23-13.282, Publié au bulletin).
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La fraude bancaire et le refus de remboursement par les banques constituent une matière complexe et en constante évolution. Chaque situation nécessite une analyse précise du consentement du client et de la responsabilité de la banque.
Se faire accompagner par un avocat est essentiel pour sécuriser ses démarches et maximiser ses chances de récupérer les sommes indûment prélevées.


